Zhour Bouzidi, Nicolas Faysse, Marcel Kuper
DOI: https://doi.org/10.60569/1-a3
Résumé
Dans le périmètre irrigué du Gharb, les tentatives de mise en place des organisations professionnelles agricoles initiées par l’Etat au cours des années 1980 ont généralement abouti à des résultats limités. Ces expériences passées continuent à marquer les discours et les attitudes des agriculteurs et des techniciens qui convergent vers l’impossibilité de mener une coordination réussie impliquant les agriculteurs de la région. Cet article propose une lecture plus globale de l’action collective qui englobe, au-delà des seules organisations professionnelles, l’ensemble des pratiques de coordination pour gérer des ressources productives. A travers une forte immersion dans les vécus locaux dans deux villages, nous avons repéré des pratiques de coordination actives autour de l’eau dans le premier et autour de la culture d’agrumes dans le second. Ces pratiques témoignent de fortes capacités locales de gestion, de négociation et d’innovation. Leur mise en évidence ouvre des pistes pour repenser les méthodes d’appui et d’accompagnement aux collectifs d’agriculteurs. Ainsi, l’accompagnement pourrait plus se fonder sur l’identification des collectifs et réseaux locaux fonctionnels et des projets collectifs existants ou émergents. L’accompagnement à la constitution d’organisations formelles en lien avec les projets collectifs locaux permettrait aux agriculteurs de mieux maitriser leurs relations avec les acteurs extérieurs.
ملخص
لم تسفر محاولات الدولة منذ الثمانينات من القرن الماضي لإنشاء تنظيمات مهنية زراعية في المدار السقوي لمنطقة الغرب إلى النتائج المتوخاة. في حين لاتزال هذه التجارب تؤثر بشكل ملموس على خطاب ومواقف كل من الفلاحين والتقنيين الزراعيين التي ما فتئت تتلاقى حول فكرة مفادها أنه من غير الممكن إقامة تعاون ناجح منبثق من إرادة ومبادرات فلاحي المنطقة . نقترح في هذا المقال قراءة موسعة للعمل الجماعي تشمل بالإضافة إلى التنظيمات المهنية جميع ممارسات التعاون من أجل تدبير الموارد الإنتاجية. لقد تمكنا على إثر فترة مهمة من الانغماس في سياق الحياة اليومية في قريتين من تحديد العديد من ممارسات التعاون حول ماء الري في القرية الأولى وحول غرس الحوامض في القرية الثانية. تعكس هذه الممارسات قدرات محلية فعالة للتسيير، التفاوض والابتكار. إن الكشف عن هذه الممارسات يفتح أفاقا جديد لإعادة بلورة أساليب دعم ومواكبة المشاريع الجماعية لفلاحي المنطقة. يمكن لهذه المواكبة أن ترتكز على تحديد المجموعات الوظيفية، الشبكات المحلية والمشاريع الجماعية سواء منها القائمة أو الناشئة. و يمكن أن تشمل كذلك دعم الفلاحين من أجل تنظيم مبادراتهم الجماعية لتمكينهم من تسوية أوضاعهم وتحسين علاقاتهم مع الفاعلين الخارجيين.
الكلمات المفتاحية: ممارسات التعاون، الموارد الإنتاجية، الماء، الحوامض، الغرب، المغرب.
COMMENTAIRES
Compte-rendu de la discussion suite à la présentation de l’article lors du séminaire de lancement de la revue le 8 avril 2014 à l’Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès
Commentaire . L’étude a été menée dans un périmètre irrigué, manipulé par les pouvoirs publics, notamment avec l’introduction de techniques nouvelles. On pourra clarifier les raisons de cette absence d’action collective ( absence de leadership, etc.).
Commentaire. Cette contribution est intéressante car elle permet de porter un regard critique sur un discours dominant. Pour développer un discours alternatif, il est important d’aller sur le terrain et de voir ce qui se passe concrètement. Ce serait intéressant que d’autres articles de la revue continuent d’apporter d’autres expériences d’action collective, réussite ou en échec, pour continuer cette réflexion.
Commentaire. L’étude a été menée dans une zone avec un fort interventionnisme de l’Etat, avec des agrégats d’agriculteurs (coopératives de la réforme d’agraire, etc.) avec des origines très différentes. L’analyse de l’action collective dans ce contexte pourrait être mise dans un contexte plus large de la constitution d’une société civile citoyenne dans ce type d’espace.
Commentaire. On entend beaucoup ce discours de manque d’esprits, surtout chez les cadres et techniciens de l’administration. Souvent, ce discours est lié à un rejet de la responsabilité sur les agriculteurs. En fait, tous les travaux sur l’action collective ont montré que l’action collective ne réussit que si trois conditions sont validées. Premièrement, il doit y avoir un problème ou une insatisfaction chez le groupe d’agriculteurs. Deuxièmement, il doit y avoir des leaders locaux, avec des capacités, avec éventuellement le soutien d’un catalyseur externe. Il y a un apprentissage souvent : ces leaders étaient souvent des jeunes qui, par exemple appartenaient à une coopérative, faisaient des propositions qui ne sont pas pris en compte, et alors décident d’initier leur propre action collective. Troisièmement, les agriculteurs veulent s’assurer que l’action collective leur permettra aussi de garder une certaine autonomie.
Commentaire. Il ne faut limiter le problème des organisations professionnelles à un problème de discours et de représentations. Il faut que ces organisations répondent à un besoin, soient gérées de façon transparente et démocratique, des leaders qui ne soient pas des président « à vie ».
Réponse globale de l’auteure principale. Cet état d’esprit s’appuie sur des expériences concrètes. Il y a de nombreuses études qui ont cherché à voir comment remettre les AUEA en marche, mais en pratique, les agriculteurs n’ont jamais été intéressés par les AUEA, qui ne correspondaient pas à leurs attentes. Ce travail se voulait de changer l’orientation du regard, trop souvent fondé sur un regard surplombant qui ne voit que les organisations professionnelles formelles. L’originalité était aussi de travailler dans le Gharb, une zone très « artificialisée » où il n’y a eu que peu d’études, au contraire d’autres zones plus « reconnues » pour l’action collective comme le Haut Atlas.