Zoubir Chattou
DOI: https://doi.org/10.60569/7-a6
Résumé
Le « caporalisme » en tant que mode de gestion de la main d’œuvre salariée agricole s’est généralisé avec l’introduction du capitalisme dans l’agriculture marocaine à partir du début du XXème siècle. A cette époque, le caporal militaire dirigeait une main d’œuvre corvéable dans les grands chantiers d’aménagement des infrastructures hydro-agricoles et routières. Avec la généralisation du salariat, le caporal est devenu un Marocain et a constitué une institution incontournable dans le développement de l’agriculture intensive et d’exportation au Maroc. Cet article vise à analyser les conditions sociales qui ont enfanté historiquement cette figure du caporal dans le salariat agricole marocain. Il concerne la plaine des Triffa, située au Nord-Est du Maroc dans la Province de Berkane, zone riche en plantations agrumicoles et en cultures maraichères. Nous avons adopté une méthodologie qualitative basée sur des entretiens, des récits de vie et des observations ethnographiques, à travers laquelle nous avons analysé l’institution « caporal », ses fonctions sociales et productives et sa place dans le système d’exploitation du travail. L’étude a conclu que ce système de gestion caporaliste s’appuie sur des références multiples pour impulser et soutenir une cadence élevée de travail. Il s’appuie sur une mise en concurrence entre les groupes d’ouvriers et véhicule des valeurs souvent discriminatoires, entre les ouvriers locaux et les migrants, les hommes et les femmes. Par ailleurs, le statut de caporal n’est pas prisé dans le milieu des ouvriers agricoles car il incarne une image négative et oppressive. Par contre, le caporal lui-même n’est pas épargné dans ce processus de surexploitation mis en place par le patronat agricole, malgré les avantages que lui procure son statut en termes de pouvoir et de rémunération.